Nouveautés dans le recouvrement de dettes auprès des consommateurs (Livre XIX du Code de Droit Économique)

Publié par G. Rulkin & M. Lopez-Francos - , - 18 septembre 2023

Depuis le 1er septembre 2023, la loi du 4 mai 2023 qui insère le livre XIX « Dettes du consommateur » dans le Code de Droit Économique est entrée en vigueur. Elle encadre les pratiques de recouvrements dits amiables de dettes. Selon les travaux préparatoires, les nouvelles règles cherchent à protéger les consommateurs du « rapport de force inégal » dans leur relation avec le professionnel en recouvrement, ainsi qu’à éviter des frais excessifs et/ou injustifiés.

A.  Dans quels cas s’appliquent cette nouvelle loi ?

  1. « Une entreprise »

Le champ d’application de la loi est large, car il couvre toutes les entreprises, sans distinction de taille ou de secteur d’activité. Cette notion englobe toute activité économique exercée de manière régulière et durable, consistant en la fourniture de biens ou de services sur un marché. Elle inclut toute entité, qu’elle soit une personne physique, une personne morale, une association ou même une entité publique, qui participe de façon continue à la vie commerciale en créant une concurrence sur le marché. Ni la forme juridique ni le mode de financement de l’entreprise ne jouent un rôle.

Quelques exemples :

  • la perception des frais de stationnement (fréquemment réalisées par des sociétés privées agissant pour le compte d’une commune). Cette activité de la commune est à considérer comme une activité économique et relève donc de la notion “d’entreprise”;
  • toute entité exerçant une activité économique de manière durable peut être considérée comme une entreprise. Ainsi, un organisme public est, relativement aux activités qui ne font pas partie de sa mission légale d’intérêt général, une entreprise (par exemple : la bibliothèque communale sera considérée comme “entreprise” pour ce type d’activité) ;
  • un hôpital,
  • etc.
  1. Qui pratique « le recouvrement amiable de dettes »

La notion de “recouvrement amiable de dettes” fait référence à « (a) tout acte ou pratique d’une entreprise qui a pour but d’inciter le débiteur à s’acquitter d’une dette impayée, (b) à l’exception de tout recouvrement sur la base d’un titre exécutoire » (ex : un jugement, un acte notarié, etc.).

Elle est donc particulièrement large puisqu’elle vise tout recouvrement qu’il soit effectué par le créancier lui-même ou par un tiers tel une société de recouvrement, un huissier de justice ou un avocat.

De plus, le recouvrement peut prendre différentes formes : « lettre de rappel, mise en demeure, contact téléphonique, courrier électronique, […] effectués dans le but d’inciter le consommateur à payer sa dette ».

  1. A l’encontre de « consommateur »

La notion de consommateur est définie à l’article I.1,2° du même code. Il s’agit de : « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ».

B.  Quels sont les changements majeurs et comment se déroule un recouvrement de dettes ?

  1. Obligation d’adresser un premier rappel gratuit au consommateur avant l’application des clauses indemnitaires

Après l’échéance (+/- 5 jours après), tout premier rappel doit être adressé de manière gratuite au consommateur pour pouvoir bénéficier des clauses d’indemnisation. A noter que dans le cadre des contrats portant sur des livraisons régulières, il est possible pour le fournisseur de facturer les frais de rappel à partir du quatrième retard de paiement. Le cas échéant, ces coûts ne peuvent dépasser 7,50 euros (auxquels peuvent être ajoutés les frais postaux).

Ce premier rappel, sous forme de mise en demeure, répond à la définition donnée par l’article 5.231 du Code civil et n’est donc pas soumis, pour sa validité, à des conditions de forme. Néanmoins, un contenu minimal est exigé, et est précisé au paragraphe 3 de l’article XIX.2. Il inclut l’identification de la dette impayée, le délai de 14 jours pour la régularisation, l’inapplicabilité des clauses indemnitaires pendant cette période, la description du produit, le nom et le numéro d’entreprise (voir infra : modèle de rappel).

La possibilité pour les PME de faire courir l’intérêt de retard à dater du jour calendrier qui suit celui où le rappel est envoyé au consommateur demeure.

  1. Écoulement d’une période de 14 jours

L’entreprise est ensuite tenue d’attendre un délai de 14 jours calendrier pour pouvoir appliquer sa clause. Ce délai « prend cours le troisième jour ouvrable qui suit celui où le rappel est envoyé au consommateur. Lorsque le rappel est envoyé par courrier électronique, le délai de quatorze jours calendrier prend cours le jour calendrier qui suit celui où le rappel est envoyé au consommateur » (art XIX.2 §1er).

  1. La loi prévoit des « boutons stop » (suspension des autres actes de recouvrement amiable)

Afin d’encourager le consommateur en situation de difficultés financières à entamer dès le début des démarches amiables avec son créancier ou le responsable du recouvrement de dettes et d’éviter le recours à une procédure judiciaire, le consommateur peut bénéficier d’une suspension du recouvrement qui prend cours à la fin du délai de 14 jours et qui s’achève jusqu’à ce qu’une décision soit intervenue :

  • Lorsque le consommateur demande un délai de paiement ou un plan d’apurement (§2);
  • Lorsque le consommateur conteste sa dette de manière justifiée auprès du créancier ou de la société de recouvrement (§4) ;
  • Lorsque le consommateur recourt à un médiateur de dettes ou entame une procédure de règlement collectif de dettes par requête (§3).

Pendant une période maximale de 45 jours calendrier, aucun acte de recouvrement amiable ne peut être posé si le consommateur fait appel à un ou plusieurs « boutons » (§5).

C.  Quels sont les plafonds applicables pour les clauses pénales et intérêts ?

Afin d’éviter certains excès, les intérêts de retard et les clauses indemnitaires forfaitaires sont plafonnés (art XIX.4).

  1. Indemnité forfaitaire

En cas de dette ne dépassant pas 150 euros, une indemnité forfaitaire peut être fixée par l’entreprise, mais ne peut dépasser 20 euros.

Pour les dettes entre 150 et 500 euros, l’indemnité peut être de 30 euros, plus dix pour cent du montant dû dans cette tranche. Par exemple, pour une dette de 215 euros, l’indemnité ne doit pas dépasser 36,50 euros.

Pour les dettes supérieures à 500 euros, l’indemnité peut être de 65 euros, plus cinq pour cent de la tranche supérieure à 500,01 euros, sans jamais dépasser 2.000 euros.

Le choix d’appliquer uniquement des intérêts de retard, une indemnité forfaitaire ou les deux relève de l’entreprise.

  1. Intérêt de retards calculés au taux légal

Les intérêts de retard qui sont calculés au taux légal pourront être augmentés jusqu’à un pourcentage maximal à savoir 8 point de pourcentage tel qu’énoncé dans l’article 5, paragraphe 2, de la loi du 2 août 2002 relative à la prévention du retard de paiement dans les transactions commerciales (actuellement établi à 10,5 % par an).

D.  Qu’advient-il des législations spécifiques ?

Le cadre normatif instauré par la loi ne porte pas atteinte à l’ensemble des législations spécifiques, notamment régionales, qui demeurent en vigueur.

En cas d’impossibilité d’une application conjointe, la loi spécifique prévaut sur une loi générale.

E.  Quelles sont les sanctions applicables ?

Ne pas respecter ces règles auprès des consommateurs peut entraîner les sanctions suivantes :

  • le consommateur est dispensé de plein droit du paiement de la clause indemnitaire, sauf dans le cas où ce sont les mentions minimales de la mise en demeure n’ont pas été correctement indiquées (art. XIX.15), sauf s’il s’agit de la mention du délai pendant lequel aucune clause indemnitaire n’est applicable ;
  • le juge peut décider que tout paiement obtenu en violation des règles énoncées précédemment est considéré comme valablement effectué par le consommateur envers le créancier, et ce paiement doit être remboursé au consommateur par la personne qui l’a reçu (art. 14).

F.  Quelle est la date d’entrée en vigueur ?

Si l’entrée en vigueur de cette loi a lieu ce 1er septembre, il faudra encore attendre jusqu’au 1er décembre 2023 pour qu’elle soit applicable à toute dette échue et impayée découlant d’un contrat conclu avant la date entré en vigueur de cette loi et que le paiement se réalise après cette date.

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Pour plus d’informations concernant l’application de cette loi ainsi que les modalités nécessaire à la mise en conformité de vos contrats et modèles à l’attention de vos clients, notre cabinet demeure à votre entière disposition.

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